Tchad : DNI 2022, déni de réalité ?

Tchad
DNI 2022, déni de réalité ?

« Peuple tchadien debout ! Pour une alternance démocratique » 
Gali Ngothé Gatta

Nous sommes en 2014, un court Manifeste démocratique écrit par l’actuel président du présidium du Dialogue National Inclusif est publié dans le but de fournir une analyse des préoccupations du peuple tchadien et appeler à des élections libres, transparentes et ouvertes dans le pays. Certainement, huit ans après, l’eau a coulé sous le pont. Notre islamologue aurait renié ses convictions. Lui qui a consacré toute sa vie au plaidoyer pour un Tchad libre, démocratique et prospère ; un Tchad débarrassé de guerre civile et de la déchirure, en témoignent ses quatre publications :
 Tchad : guerre civile et désagrégation de l’Etat (Paris, Présence africaine, 1985, réédité en 2001).
 Tchad Frolinat : chronique d’une déchirure (co-édité avec Mahamat Saleh Yacouba, Centre Al-Mouna, N’Djamena, Tchad, 2005).
 Tchad : la grande guerre pour le pouvoir, 1979-1980 : les politico-militaires à l’assaut de la capitale (Centre Al-Mouna, N’Djamena, Tchad, 2007).
 Peuple tchadien debout ! Pour une alternance démocratique (Syllabus, N’Djaména, Tchad), 2014).
Comment comprendre ce monsieur dans cette posture qui frise, à la limite, le ridicule ? Combattre un système, source des maux qui minent notre pays depuis une trentaine d’années, et fermer aujourd’hui les yeux sur les principes élémentaires de la démocratie pour accepter profiter des largesses indécentes qui sapent les fondements d’un Etat de Droit, est tout simplement scandaleux. Qu’est-ce qui a fait fléchir ce costaud de la politique tchadienne ? L’on soupçonne le président du Conseil National de Transition (CNT), le soutien inconditionnel du Conseil Militaire de Transition (CMT) d’user des fibres ethniques pour faire « proprement » le boulot. Sinon, ça ne peut s’expliquer autrement. 

 Revenons aux faits. 
Le dimanche 28 août 2022, le CODNI, entendez par là, Comité d’Organisation du Dialogue National Inclusif dévoile à la surprise générale des participants la liste des membres du présidium chapeauté par l’économiste Gali Ngothé Gatta. Tollé d’indignation dans la grande salle du palais du 15 janvier. Les participants, claquent la portent et annoncent dans la foulée leur retrait dudit dialogue qu’ils considèrent désormais exclusif et pas sincère. Le président du CODNI, Acheikh Ibn Oumar, qui peine à ramener l’ordre, suspend la séance. Comme une lettre à la poste, la liste tant contestée est bon gré mal gré retenue sans être adoptée. Ce qui est contraire au Règlement Intérieur qui, lui aussi a été imposé par le CODNI qui, à son tour s’est imposé aux participants naïfs. Rien d’anormal, normalement. De l’ouverture du dialogue au choix du présidium, tout se passe selon le bon vouloir du comité d’organisation mandaté par ses maîtres à suivre contre vents et marées l’agenda caché.

« Gali Ngothé cache-il Ngothé Gatta ? », paraphrasant un contemporain.
- Non, le problème n’est pas la personne de Gali. Tout le monde lui reconnaît des qualités d’homme d’Etat intègre et modéré.
- Non, le problème n’est pas le DNI, un dialogue est par essence un effort des parties en présence vers un accord, un compromis ou un consensus.
Bref, le fond est bon. Lorsque les filles et les fils du pays décident de s’asseoir et laver le linge sale ensemble, quoi donc de plus normal.
La tenue du présent dialogue n’est pas à mettre à l’actif du CMT. C’était d’abord une demande de l’opposition démocratique en 2016, juste après la proclamation définitive des résultats donnant gagnant Déby1. Une proclamation sous haute sécurité suivie de l’investiture, pour un cinquième mandat, le lundi 8 août 2016 sous haute tension. La grogne sociale est montée d’un cran après ce que l’opinion nationale qualifie de hod-up électoral. L’opposition appelle alors à un dialogue national en vue de diagnostiquer les maux du pays. Déby père fera sourd d’oreille jusqu’en 2018 où il décide d’un dialogue qui lui conférent tous les pouvoirs. Ensuite, à la veille de l’élection présidentielle d’avril 2021, excluant en amont les jeunes de la course, la nouvelle classe politique de l’opposition démocratique a demandé à Déby père de surseoir à l’organisation de l’élection présidentielle et en lieu et place, organiser un dialogue national inclusif parce qu’elle considère que le 6ème mandat que cherche à briguer Déby1, est un mandat de trop qui risque d’être chaotique tant le climat social est en déliquescence. Là encore, l’opposition n’est pas entendue et ce qui doit arriver arriva le lundi 19 avril 2021.

Si dans le fond, le problème ne se pose pas, la forme est entachée d’irrégularité qui crève l’œil. La gestion militaire du dialogue par le CODNI : la distribution sélective de la parole aux participants, le tripatouillage du Règlement Intérieur et son imposition, le truquage de la liste des membres du présidium et son imposition et le cafouillage autour de la désignation du président du présidium foulant aux pieds les dispositions du Règlement Intérieur. 

Gali Ngothé Gatta s'est réjoui de sa désignation sans se soucier du consentement de la plénière. Il s’inscrit en droite ligne dans la continuité militarisée du dialogue. Ancien Conseiller d’Hissein Habré, ministre et opposant sous les Déby, l’économiste connaît bien ce système pour décider en âme et conscience de le servir une fois de plus, mais pas de la meilleure manière.

Gali Ngothé Gatta, personne ne vous accuse de collabo, c’est juste une interpellation d’une jeunesse tchadienne révoltée parce que déçue par les aînés en qui elle avait cru. C’est un cri d’alarme des jeunes en quête d’une oreille attentive et d’une vraie volonté politique à sortira enfin le Tchad de cette routine infecte.

Il n’y a pas de fumée sans feu, dit-on.
- Le savez-vous ? Les arrêts intempestifs du DNI serait sciemment organisés pour des achats de conscience afin de prolonger la transition ?
- Le savez-vous ? La principale mission du CODNI serait de peser de tout son poids pour faire adopter un Règlement Intérieur taillé sur mesure afin de ficeler l'adoption des résolutions du DNI rédigées quelques mois auparavant. 
- Le savez-vous ? Le Présidium du DNI serait copté pour être redevable au CMT afin d'orienter les débats vers la légitimation et le maintien au pouvoir du clan Deby.
- Le savez-vous ? Le pré-dialogue serait un forum bis pour ramener à N'Djamena les enfants prodigues du système afin de consolider le pouvoir debyste.
- Le savez-vous ? Les pseudo activistes de France rentrés pour le dialogue et gracieusement entretenu par le CMT seraient en mission commando. Ils seraient payés pour casser la dynamique de la jeune opposition tchadienne afin de libérer le boulevard au poulain de la France.
- Le savez-vous ? Le savez-vous ?

Gali Ngoté Gatta, la jeunesse tchadienne a également droit au rêve et au travail, au bien être socioprofessionnel dans un pays où le mérite est le seul baromètre valable. Ne contribuez pas à plomber l'avenir de cette jeune génération assoiffée de justice et d'égalité. Ne contribuez pas à hypothéquer le devenir de vos enfants et petits-enfants.
Gali Ngoté Gatta, pas vous. Vous savez ce qui reste à faire.

Un homme averti en vaut deux.

MIARIM Dillah Evariste